PORTRAITS D'ARTISANS

PORTRAIT – Claudia, céramiste

Je suis ravie d’avoir l’occasion de vous présenter aujourd’hui le talent de Claudia Cauville, artiste céramiste et tellement plus encore, et d’avoir pu échanger avec elle autour de son travail personnel d’artiste mais aussi de son atelier de céramique La Mine, inauguré en septembre 2019. Une rencontre inspirante …

J’aimerais pour commencer que tu nous présentes ton parcours, tes formations, tes expériences, tout ce qui a construit ton identité artistique.

Au départ je voulais faire du design produit, mais comme mon profil était très artistique, Kathryn Hearn (la directrice) de Ceramic design à Central Saint Martins a souhaité me rencontrer. Ce n’était pas un choix évident mais j’ai pris goût pour la matière, ma formation a duré trois ans. Après mon diplôme j’ai effectué plusieurs stages auprès de céramistes ou designer dont j’aimais le travail : Kiln rooms, Silo Studio, Ariane Prin. Je continuais aussi de produire mes collections de diplôme dans un atelier partagé, ce qui m’a permis de vendre mes pièces chez Epurama, à Paris. À la suite de ses expériences j’ai eu envie de faire un Master à l’Ecal dans l’artisanat et le luxe pour me spécialiser davantage et me confronter à d’autres objets. J’ai eu à la chance d’avoir deux formations qui se complètent : une formation artistique qui m’a permis de développer mon identité artistique et une formation plus factuelle, critique, qui m’a permis d’être efficace.

À la suite de mon master, j’ai fait plusieurs stages, l’un chez chez India Madhavi (archi d’intérieur) et l’autre chez Hermès dans le département corne et bois. Ces deux expériences m’ont confortée dans l’idée que j’avais goût pour la matière et la couleur, mais que la production manuelle me manquait … Je devais retourner à la terre. Je me suis donc inscrite dans l’atelier partagé Clay, à Paris, où j’ai pu observer un engouement pour la céramique. Puis j’y ai fait de belles rencontres. Je me suis dit qu’il était temps que je réalise mon rêve, d’ouvrir mon atelier !

La famille moderne, collection en faïence autour du thé et du café.
Chaque objet est nommé d’après les amis et la famille de Claudia, elle représente sa notion de la famille.

As-tu la sensation d’être à la place à laquelle tu t’imaginais être avant ce parcours ?

J’ai longtemps hésité avant de me lancer… J’ai réalisé rapidement qu’il fallait être pluridisciplinaire pour réussir : faire de la communication, donner des cours, être photographe. Je me suis laissée guider, et suis finalement retournée à la terre car c’est dans ce dialogue que j’étais la plus heureuse.

J’ai ouvert mon atelier, La Mine, fin septembre 2019. C’est l’une de mes plus belles réussites. C’est un atelier pluridisciplinaire, qui accueille des artistes résidents, des workshops et également des expositions. J’ai pour objectif d’en faire un lieu de référence de la céramique contemporaine. En ce moment j’en profite pour faire le point sur mes prochains objectifs mais je fonctionne beaucoup à l’intuition.

Tu me parles d’intuition … Ça m’interpelle, comment te sers-tu de cette intuition ?

Mes premières intuitions sont souvent bonnes. Je pense que l’intuition vient du rapport aux autres, comment on les ressent dès les premières secondes.
J’essaye de développer mon sens critique personnel et j’analyse beaucoup ce qui m’entoure. Je suis très généreuse quand j’aime une personne mais je déteste l’égoïsme.
Dernièrement j’ai pris la décision d’inviter des céramistes, à exposer et vendre leurs pièces prochainement à l’atelier. J’ai fait la rencontre de Lisa Allegra, et nous avons eu l’impression de se connaitre depuis toujours. Ce genre de rencontres me réjouit car ce sont des rencontres honnêtes. Nous avons brièvement partagé sur nos expériences mutuelles, le temps d’un café et ce fut super enrichissant. Je suis heureuse de savoir que ce genre de rencontres peut aussi se faire sur Instagram ! Ça permet aussi de se sentir moins seule, de faire partie d’une communauté qui s’entraide !

Parlons de ton rapport à la matière. Pourquoi la terre ?

J‘ai toujours eu une sensibilisé pour les couleurs et la matière. La terre m’a permis de m’épanouir. Je ne crois pas être prédestinée pour la terre mais j’apprends tous les jours en la travaillant.  C’est une matière vivante, qui évolue au contact des doigts et de la chaleur, ça crée des découvertes infinies.

J’ai cru comprendre que tu utilisais un processus industriel pour la fabrication de tes pièces. En quoi cela consiste-t-il et qu’est-ce que cela t’apporte ?

Les pièces issues de la collection de mon diplôme, Modern Family, ont été moulées. À l’école, nous avions tout un équipement qui m’a permis d’adopter un processus industriel. Je pouvais avoir de multiples modèles de la même forme et expérimenter davantage sur les couleurs. Et puis, les formes voulues étaient assez complexes à modeler à la main.

Aujourd’hui je fais le cheminement inverse, sans machine, faute de place et de moyen. Je fabrique mes pièces au modelage, ce qui me permet d’expérimenter sur la forme d’avantage. C’est une redécouverte de la matière, surtout que maintenant je suis passée au grès pour des raisons pratiques, je réapprends également à utiliser les émaux. Mon travail est plus sculptural.

La famille moderne, collection en faïence autour du thé et du café.
(Théière
Brigitte)

On parle souvent des sources d’inspiration des artistes, parce qu’on est fasciné par cette force qui les pousse à l’acte créatif, mais je trouve qu’il y a plus fascinant encore : l’intuition qui fait dire qu’une pièce est terminée, et réussie. Pourrais-tu nous raconter ce qui te permet, toi, de savoir qu’une de tes pièces est réussie, que tu peux la proposer pour une exposition ou à la vente ?

En ce moment j’expérimente beaucoup sur la forme du vase. J’accentue ce qui le caractérise : son ouverture, ses anses. Je joue avec les vides et les pleins. Pour moi, une pièce terminée est une pièce qui ouvre le dialogue, intrigue, interroge. Une harmonie entre la couleur et la forme. C’est pourquoi, j’adore quand mon travail évoque des références personnelles, des réminiscences. Ça veut dire qu’il y a un dialogue qui se crée. A mesure que je travaille, je visualise un tableau, une famille d’objets et j’aime m’en rapprocher le plus possible. Si je ne suis pas contente d’une pièce, de la couleur par exemple, j’ai beaucoup de mal à la vendre car pour moi c’est un travail inaccompli.

Ce qui m’a tout de suite interpellée lorsque j’ai découvert ton travail, c’est la notion de partage que tu incarnes. J’ai eu la sensation qu’il s’agissait là d’un des piliers de ton travail. La Mine semble parfaitement répondre à cela. Peux-tu nous en dire plus sur ce projet ?

J’ai conçu La Mine pour que ce soit un lieu de convivialité, prétexte à l’échange et au partage, à l’image de ma vision de la céramique. Je voulais que son nom évoque la notion de travail et de difficulté mais aussi de rencontre. Je ne suis quasiment jamais seule à l’atelier, déjà parce que nous sommes trois à le partager mais aussi parce que mes amis adorent venir manger, prendre le thé. On bosse dur mais on aime aussi se faire plaisir. Mon éducation a forgé une vision du travail basé sur l’échange.

Qu’est ce que ce partage, cette transmission de savoir-faire à travers les workshops et les cours représente pour toi ?

Je veux recréer du lien entre le savoir, les artisans et le public. Je pense qu’on est tous artisans de notre vie et chacun peut apprendre à concevoir ses vêtements, ses objets ou encore son pain. J’essaye de proposer des workshops intéressants et diversifiés pour rendre la matière accessible et enrichissante. Cela permet aussi à un public novice de comprendre la difficulté de cette matière, et ainsi de redonner de la valeur au travail de la terre, de mieux comprendre l’artisanat. Dernièrement nous avons eu un workshop vannerie & céramique, avec l’artiste Emilie Lay, ce fut une belle réussite. Les pièces qui ont été créées étaient sublimes.

Tu sembles multiplier les projets, tu définis ton travail « à mi-chemin entre l’art et le design », je me reconnais aussi beaucoup dans ce désir de ne pas s’enfermer dans une case. Pourquoi est-ce si important pour toi ?

Je crois que mes influences sont multiples, je me nourris de références antiques aussi bien que de moderne et je trouve l’inspiration partout. Il y a dans mon travail une dualité entre l’objet utile et l’envie artistique, les deux me procurent un certain bonheur.

Aujourd’hui je fabrique des bijoux en porcelaine, réalise des vases, travaille avec la marque Bangle up, réalise la communication visuelle de La mine, mais qui sait de quoi demain sera fait ? Cette définition me laisse plus de liberté mais probablement qu’elle va évoluer durant ma carrière, affaire à suivre …

Une journée de travail à La Mine, atelier de céramique parisien.

Merci mille fois à Claudia de s’être prêtée au jeu d’avoir accepté de se dévoiler avec tant de justesse.

Retrouvez son travail sur son compte Instagram ainsi que sur le site web de La Mine, et n’oubliez pas de jeter un oeil à la programmation des workshops !

Crédit photos – Claudia Cauville

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